L’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin) met en corrélation les caractéristiques spécifiques du sol, de la topographie, du climat, du paysage et de la biodiversité pour définir le mot “terroir”. 

Pour en savoir plus sur l'étymologie et l’utilisation du mot “terroir”, lisez notre article “Le terroir, un mot qu’on aime et qu’on déteste."

 

Quel rapport entre le vin et le terroir ? 

 

Le mot “terroir” a d’abord été inventé et utilisé pour le vin. Ce sont les acteurs du monde viticole de l’époque qui, lors de la création des AOC en 1935, ont aussi aidé à faire rentrer ce mot dans le vocabulaire commun et dans la loi. Certes, il s’agit toujours d’un mot mystérieux mais nous allons ici tenter de créer une grille de lecture pour vous fournir une définition plus complète. 

Quand les amateurs de vin ou les professionnels du secteur évoquent le terroir d’un vin, ils font souvent allusion à l’environnement de production du vin. 

Cet environnement peut être défini par plusieurs paramètres qui aident à comprendre ce qu’est l’effet terroir dans un vin.

Le sol dans lequel le cépage a été planté, le climat de la région où le vin a été produit et enfin l’intervention de l’homme dans la transformation du raisin en vin sont trois éléments qui définissent les piliers du terroir d’un vin. Le terroir peut être défini comme le terrain d’expression de la vigne et des cépages grâce aux trois composantes que sont le sol, le climat et l’homme. 

 

Les différentes expressions du terroir 

Regardons à présent comment ces paramètres indispensables à la notion de terroir s’expriment en pratique.
 

I. Le sol

Le sol correspond à l’endroit où la vigne puise les nutriments et l’eau dont elle a besoin pour son bon fonctionnement : c’est donc un élément fondamental. 

 

  • Composition du sol 

L’épaisseur du sol peut varier de quelques centimètres à plusieurs mètres de profondeur. Il peut être composé de cailloux, sable, argile mais aussi de humus qui est riche en nutriments. 

Le sol est très important, notamment en Bourgogne où l’on produit des vins très différents d’une parcelle à l’autre, à quelques centaines de mètres d’écart, avec pourtant un unique cépage.

Les bourguignons ont inventé la notion de ‘climat’ qui définit une parcelle par son terroir et donc par la composition de son sol (et son micro-climat bien sûr). Ces prestigieux climats ont été classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Par exemple, les premiers crus de l’appellation Puligny-Montrachet se situent sur des coteaux avec des sols bruns calcaires où le Chardonnay peut “donner le meilleur de lui-même, (car) c’est sa terre de prédilection,” d’après le Guide des Vins et des Vignes de France.

 

  • Sol et eau

La vigne a surtout besoin d’un important apport en eau au début du cycle végétatif pour la croissance des rameaux et des feuilles. Elle peut puiser ses ressources en eau grâce aux racines qui plongent très profondément dans le sol. Cet apport en eau est plus ou moins retenu en fonction du type de sol. 

Par exemple, l’argile a tendance à garder l’eau, ce qui est bien lorsque le climat est sec. Pomerol est un endroit où il y a beaucoup d’argile dite lourde, avec un fort pouvoir de rétention d’eau. Le climat y est moins océanique que les autres sous-régions de Bordeaux et les précipitations y sont donc plus faibles. Le sable, lui, a une composition drainante (il retient peu l’eau), ce qui est très utile pour les appellations qui ont déjà un climat humide, souvent situées en bordure de mer ou de fleuve.

 

  • Sol et soleil

La composition du sol aura aussi un impact sur les effets du soleil. En effet, un sol composé de graves et de galets a une propriété réfractante car il accumule la chaleur de la journée et la redistribue pendant la nuit. C’est le cas de la prestigieuse appellation de Châteauneuf-du-Pape, avec ses galets roulés qui composent le sol presque lunaire des vignes. En outre, le relief du sol a une incidence en ce qui concerne l’exposition au soleil. C’est d’ailleurs souvent ce qui distingue les meilleurs coteaux, l’exposition sud étant généralement privilégiée pour la maturation des raisins.

 

  • Sol et nutriments

Les principaux nutriments nécessaires à la vigne sont l’azote, le phosphore et le potassium qui sont naturellement présents dans le sol. L’azote est l’élément nutritif qui aide à la croissance et à la vigueur de la vigne. Bien sûr, les sols en sont plus ou moins riches.

Terroir de vin en Bourgogne

II. Le climat

Le climat - ainsi que le micro-climat - joue un rôle important. La vigne se développe en fonction d’un cycle annuel et plusieurs facteurs sont nécessaires au bon déroulement de ce cycle. La chaleur, l’ensoleillement et les précipitations sont les principaux facteurs qui définissent le climat de la région de la production du vin. 

Les climats ont été classifiés en fonction des températures : 

  • Climats frais : région où, pendant le cycle végétatif, la température moyenne est inférieure ou égale à 16,5°C comme le Val de Loire, la Champagne ou l’Alsace.
  • Climats tempérés : région où, pendant le cycle végétatif, la température moyenne est comprise entre 16,5°C et 18,5°C, comme la région de Bordeaux ou des Côtes-du-Rhône septentrionales. 
  • Climats chauds : région où, pendant le cycle végétatif, la température moyenne est comprise entre 18,5°C et 21°C, comme le Languedoc-Roussillon ou les Côtes-du-Rhône méridionales.

Les écarts de températures entre le jour et la nuit sont aussi très importants, tout comme les écarts de températures entre le mois le plus chaud et le mois le plus froid de l’année. C’est ce qu’on appelle la continentalité

Mais aussi, en fonction des précipitations et de l'ensoleillement :

  • Climat continental : ce climat enregistre des étés courts et secs et une importante chute des températures en automne. Il y a une grande différence de températures entre le mois le plus chaud et le plus froid de l’année, donc une forte continentalité. La région Champenoise ou encore l’Alsace sont des bons exemples de climat continental. 
  • Climat océanique : les pluies sont régulières tout au long de l’année, les températures fraîches à tempérées. Les précipitations peuvent parfois poser problème au printemps et en été. Le Pays Nantais et l’Anjou, deux sous-régions du Val de Loire, expérimentent ce climat océanique grâce à l’Atlantique qui se trouve à quelques kilomètres. 
  • Climat méditerranéen : ce climat est plus chaud et ensoleillé et les pluies sont faibles tout au long de l’année. Les risques de sécheresse sont plus présents aussi. Le Languedoc-Roussillon et la Provence, au bord de la mer Méditerranée, représentent ce climat avec des températures très chaudes et une faible continentalité. 

 

En fonction des cépages, la vigne a besoin de plus ou moins d’eau, d’ensoleillement et de chaleur pour que les raisins arrivent à une maturation optimale. Chaque cépage a ses propres caractéristiques et donc des besoins différents. C’est pour cela que le climat a une influence sur le cépage choisi pour chacune des régions. 

Pour illustrer l’importance de l’adéquation entre le climat et le cépage, prenons l’exemple du Riesling et du Grenache. Tout oppose ces deux cépages : l’un est blanc et se trouve dans des régions fraîches, l’autre est rouge et n’est planté que dans des climats chauds et ensoleillés. 

Le Riesling est le cépage star de l’Alsace et de l’Allemagne qui ont le même climat. Protégé par les Vosges, l’Alsace profite d’un climat continental frais. Le Sud de l’Alsace est la limite Sud à laquelle on peut trouver du Riesling en France car il ne s’épanouit pas dans des climats plus tempérés. 

Quant au Grenache, on le retrouve dans le sud de la France, en-dessous de la ville de Valence, qui est la limite ‘nordique’ à laquelle il peut mûrir. Il est souvent assemblé avec d’autres cépages comme la Syrah dans les Côtes-du-Rhône ou dans le Languedoc. Il porte le nom de “Garnacha” en Espagne et est à l’origine de nombreux grands vins. 

Deux cépages, qui ne se rencontreront donc jamais...
 

III. L’homme

Nous l’avons vu à propos du choix des cépages : le vigneron s’adapte au sol et au climat que son terroir lui fournit. De nombreuses décisions et pratiques sont donc régies par les circonstances mais aussi par l’expérience des générations précédentes. Date des vendanges, vinification, élevage… le vigneron doit respecter un cahier des charges, plus ou moins strict en fonction des appellations, et en même temps perpétuer la tradition et les savoir-faire de son terroir. 
 

  • Le vigneron s’adapte au terroir

Il doit mettre en oeuvre des techniques viticoles adaptées au terroir avec lequel il travaille. Le vigneron conduit donc la vigne en fonction de ce que la nature lui donne. En effet, la viticulture est pratiquée différemment en fonction des régions et des climats dans lesquels la vigne pousse.

Dans les régions chaudes, comme par exemple les Côtes-du-Rhône méridionales, les vignerons doivent opérer un certain type de taille appelée la taille en gobelet. 

Cette taille près du sol “en arbuste” n’utilise ni fil ni piquet. Elle aide la vigne à résister à la sécheresse, car les feuilles tombent vers le sol et font de l’ombre aux grappes de raisin. Ainsi, les raisins ne seront pas ‘cuits’ par le soleil et la chaleur. Bien que la taille en gobelet ne permette pas la mécanisation, le vigneron s’adapte et conduit la vigne de manière à la protéger d’un soleil écrasant.

Au contraire, dans les régions humides, par exemple à Bordeaux (région au climat océanique), les vignerons doivent faire face à de potentielles maladies causées par l’humidité. Ils s’adaptent donc en pratiquant l’effeuillage, ce qui consiste à enlever des feuilles qui poussent en nombre à cause des fortes précipitations. Cette technique est utilisée d’une part pour exposer les grappes de raisins à la lumière et au soleil pour qu’elles mûrissent et, d’autre part, pour les aérer et leur éviter d’être sujettes à la pourriture en restant enfermées dans des conditions humides. 
 

  • L’Homme façonne le terroir

En 1935, quand la France viticole crée les premières Appellations d’Origine Contrôlée, les vignerons établissent qu’une simple délimitation géographique ne suffit pas à définir un terroir. C’est pourquoi, chaque appellation construit un cahier des charges : une listes des pratiques autorisées (et des pratiques interdites) dans l’élaboration de son vin.

Beaucoup de pratiques préconisées le sont par souci de qualité. On peut citer par exemple les durées de vieillissement minimum avant commercialisation. D’autres sont inscrites au cahier des charges dans le souci de perpétuer des traditions et des savoir-faire élaborées par les générations précédentes. Ainsi, les hommes façonnent leur terroir dans la durée.

En conséquence, le terroir n’est en rien figé et les cahiers des charges continuent d’évoluer. On peut noter par exemple les changements significatifs vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement. Certaines appellations du Languedoc pensent même à inscrire la viticulture bio comme un prérequis de leur cahier des charges.

 

Et en pratique ?

Pour conclure, ces trois paramètres - sol, climat et homme - sont indissociables les uns des autres. 

Intéressons-nous à un cépage et à une appellation pour comprendre comment les trois composantes du terroir travaillent entres elles pour créer un produit unique. 

En Bourgogne, selon le cahier des charges de l’appellation Chablis, les vins doivent être composés à 100% de chardonnay : ce sont des vins appelés mono-cépages.

Le climat dans la région de Chablis en Bourgogne est principalement continental avec des étés courts et secs et souvent des problèmes de gel au printemps. Ces vins sont connus pour avoir une fraîcheur et une acidité marquante. Le choix d’un cépage blanc résistant tel que le Chardonnay ne doit donc rien au hasard.

Comme nous l’avons déjà évoqué, le sol est très important en Bourgogne car c’est une région qui utilise très peu de cépages différents. Pour ce qui est de Chablis (qui est en Bourgogne !), le sol est appelé kimméridgien, car c’est un endroit où il y avait la mer autrefois. Le sous-sol est constitué de marnes, de calcaires et de craies, ce qui donne aux vins de cette appellation une minéralité très renommée. De plus, le relief de Chablis qui comporte des coteaux bien exposés, permet une maturation des raisins malgré le climat frais de cette région septentrionale.

Enfin, à Chablis aussi, les traditions de vinification ont participé à la construction d’un terroir. Les vins de Chablis se distinguent des autres vins blancs de Bourgogne tels que Meursault par l’utilisation très légère (voire inexistante) de l’élevage en fût de chêne. Les vins gardent ainsi leur typicité, leurs arômes de fruits frais et d’agrumes et leur minéralité qui reflètent le climat tempéré et le sol calcaire.
 

Terroir de Chablis Domaine Louis Moreau

Conclusion

Si le terme de “terroir” paraît un peu abstrait au premier abord, c’est parce qu’il est l’addition de plusieurs paramètres. Chacun d’eux forme une grille de lecture indispensable à la compréhension d’un terroir et cette approche “scientifique” en facilite ainsi l’étude. Cependant, il restera toujours une part de mystère dans la définition d’un terroir. Peut-être parce qu’il est d’abord défini par les hommes qui l’habitent ?